Elles comptent au moins autant que les différents éléments du système. On considère donc les rapports entretenus par la personne ou l’équipe, avec elle – même et avec son environnement comme un déterminant majeur de la situation abordée.
Il en résulte que la valeur globale d’une équipe est impactée, en négatif comme en positif, par la qualité des interactions entre ses membres. On ne peut considérer la performance de l’équipe comme la somme des performances individuelles, mais seulement comme la somme des performances individuelles impactée par la qualité des relations de coopération qui existent dans l’équipe. L’effet global de ces interactions peut être considéré comme une qualité qui émerge, et qui n’est détenue par aucun des « interacteurs ». Quand ça marche bien, alors, 1+1=3, mais quand les interactions ne portent pas de valeur ajoutée, alors, 1+1 ?2.
Ainsi, quand une équipe de culture hiérarchique doit passer à des pratiques de type “transversal”, quand les normes sanitaires imposent une nouveau cadre de travail, il ne suffira pas d’agir sur chaque membre de l’équipe, par exemple en le formant. Il faudra faire évoluer les interactions entre les membres pour modifier leur mode relationnel : passer de l’émulation/compétition à la coopération, de la spécialisation et l’expertise à la coopération dans la transdisciplinarité, du contrôle analytique au contrôle processuel…etc. Ainsi, la capacité de l’équipe à faire face aux défis de son contexte sera accrue, largement au delà de la somme des capacités individuelles. Aucun des membres ne sera détenteur en lui même de la qualité de l’ensemble.
- Exemple collectif : le patron d’une équipe nous demande de l’aider, avec son équipe, à tendre vers « des objectifs communs et que chacun s’approprie ». On pourrait se contenter de considérer que ce résultat est atteint à partir du moment où chacun a approuvé, après négociation et discussion éventuelles, une charte d’objectifs clairs.
Sauf que ce résultat apparent n’est pas du tout le même suivant la nature des relations qui unissent les membres de cette équipe entre eux et avec leur patron à ce moment là.
Suivant que l’on a affaire à un patron très charismatique, ou très autoritaire, ou très consensuel, la nature de l’approbation n’est pas la même.
Dans le premier cas (patron charismatique) l’approbation a toutes les chances d’être donnée par certains, qui sont sous le charme du patron, sans qu’ils s’aperçoivent vraiment de ce à quoi ils s’engagent. Il faudra ensuite regonfler le moral des troupes régulièrement (ça tombe bien… ce patron aime ça). Dans ce cas, on peut dire que le niveau collectif de l’approbation est différent de la « somme des approbations individuelles » et qu’il est surtout variable dans le temps en plus ou en moins.
Dans le deuxième cas (patron autoritaire), l’approbation comporte un certain niveau de « non-approbation » ou même de désapprobation tacite. Cette position reste cachée aux yeux du patron autoritaire pour éviter sa réprobation. Une partie de l’équipe est en train d’obéir strictement aux ordres et de faire ce qu’on lui dit, ni plus ni moins, « il veut de l’approbation, il en a ». Dans ce cas, le niveau collectif de l’approbation est inférieur à la somme des approbations individuelles.
Dans le troisième cas (patron très consensuel) on peut avoir le meilleur ou le pire.
Le meilleur des cas, c’est quand l’approbation finale donnée par chacun à la charte d’objectifs clairs se fait après que les inévitables désaccords aient été gérés pour créer un véritable consensus motivé ou même créatif, débouchant ainsi sur un réel engagement individuel et collectif. Ici, le niveau collectif de l’approbation est probablement le plus élevé possible, et il est supérieur à la somme des volontés individuelles.
Le pire des cas est celui du consensus mou, ou l’on a l’apparence du consensus, qui n’est que le résultat d’un évitement de confrontations afin de faire plaisir, ne pas déplaire, ne pas dire « non » au patron. Ici, le niveau collectif d’approbation est très incertain, et certainement inférieur à la somme des approbations individuelles.
Les interactions font bien partie intégrante du système équipe.
- Autre exemple collectif : une équipe d’experts de très haut niveau qui doivent conjuguer leurs efforts, leurs expertises, pour résoudre un problème industriel complexe. La capacité de cette équipe à résoudre le problème n’est pas égale à la somme des expertises présentes dans l’équipe. Elle est égale à la somme des compétences multipliée par leur capacité à coopérer pour produire en commun des diagnostics et des décisions.
Suivant qu’ils entrent en rivalité d’expertise, ou se comportent avec rigidité, ou avec passivité, ou suivant qu’ils arrivent à construire un dialogue fécond, un système de résolution de problème et de décision efficace, des processus réellement créatifs, le résultat final en sera impacté. Dans le cas où ces interactions sont efficaces, on peut dire que, synthétiquement, l’expertise dégagée par l’équipe est supérieure à celle de chacun des experts pris isolément.
- Exemple individuel : un manager veut améliorer son leadership, spécialement face à un public. Il a déjà vécu deux séminaires de prise de parole en public, qui lui ont beaucoup apporté. Pour autant, face à un public, il reste avec un fort niveau d’insécurité qui peut s’avérer invalidant, et il considère qu’il ne donne pas du tout le meilleur de son intelligence lorsque, après une présentation, il doit interagir librement avec son public. Si l’on regarde ce cas avec une perspective systémique, on va considérer que plusieurs « sous systèmes » sont en présence, donc en interaction, au moment où il s’adresse à son public :
o son corps (respiration, physiologie de l’émotion, voix, comportement physique – regard – posture – mobilité, apparence physique etc…)
o ses croyances (« je suis un piètre leader »- « ils sont menaçants » – «ma peur est le signe de mon échec », etc…)
o ses buts (sur le fond : obtenir l’accord du public, sur la forme : faire preuve d’autorité dans mon propos – ne pas perdre la face, etc…)
o ses supports de communication ( documents, support visuel, vidéo projecteur, écran etc…)
o ses savoir faire (poser sa voix, utiliser le regard, les supports visuels, les techniques d’argumentation…) connus – méconnus – refoulés – inexploités…
o la salle, sa disposition, ses caractéristiques physiques (et la façon dont il s’en sert ou la subit)
La résultante qualitative de sa prestation face au public dépendra non pas de l’addition des caractéristiques de ces « sous systèmes » mais de la qualité de leurs interactions. Ainsi, une croyance (« ils sont menaçants ») peut altérer sérieusement la physiologie (adrénaline, blocage respiratoire) et les savoir faire (confusion mentale, régression vers le connu, perte d’initiative,etc…). Et ces réactions peuvent être en boucle.
Les savoir faire (le manager n’a pas su procéder de la bonne façon, par exemple, en continuant à marcher de droite à gauche de l’écran comme un pendule au lieu de s’arrêter à un certain endroit ), peuvent impacter les croyances (« je suis un piètre leader ») qui, a leur tour vont impacter le corps (sentiment d’humiliation et d’insécurité qui impactent la posture et le niveau d’adrénaline) et par suite, la cognition elle-même. Le « système » que nous considérons alors (le manager) dans sa globalité produit un résultat qu’il estime insuffisant, et qui ne reflète pas l’addition des différents sous – systèmes envisagés plus haut, mais bien la résultante de leurs interactions.
Ainsi, les rapports entretenus intérieurement entre différentes parties d’un individu peuvent influencer la capacité de cet individu à faire face à sa situation. Les interactions font partie du système.
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