Le coaching est placé sous le signe du 3, en premier lieu parce que le coach est un « tiers » (un « troisième ») que l’on convoque en tant que tel, ensuite parce que beaucoup des dynamiques à l’œuvre dans la situation de coaching doivent leur succès au fait que l’on « aide à sortir du 2 », par exemple : pensée « binaire », « double » langage, « doubles » contraintes. Si le coach est un tiers, c’est bien qu’il y a 3 parties au départ d’un coaching. D’où l’idée d’un entretien tri-partite de lancement.
L’entretien tripartite, qui rassemble en début d’un coaching le coaché, le coach et l’organisation qui « achète » le coaching, est un entretien fondateur bien au-delà de la seule raison d’être apparente que serait la « fixation des objectifs du coaching ». Je ne traiterai pas la question de la pertinence du fait même de « fixer des objectifs » à un coaching. C’est une autre réflexion que je considèrerai comme acquise dans ce texte bien qu’elle fasse, en effet, débat. Partant du principe que, dans tous les cas, je considère qu’un coaching « a des objectifs » et qu’il faut en parler avant plutôt qu’après le coaching, je vais exposer quelle est ma conception de cet entretien tripartite dans une relation de coaching individuel.
Cette rencontre constitue une même unité d’action que l’on peut mettre au service du coaching. Je l’ai donc découpé en 3 phases qui correspondent aux 3 actes de cette scène fondatrice. Ils se produisent dans une unité de lieu (chez le client) et de temps (l’un à la suite de l’autre).
Acte 1 : rencontre préalable avec le Prescripteur du coaching – autrement dit – vérifier que je vais exercer mon métier de coach dans un cadre dont la partie qui est fixée par l’organisation qui « achète » le coaching, permet de l’exercer avec succès, ce qui inclut le respect de ma déontologie. Bien entendu, suivant les organisations et les contextes, la fonction RH est plus ou moins présente à ce stade comme aux suivants. Nous ne la re-citerons pas systématiquement, mais elle fait bien partie pour nous du « système prescripteur », même si elle n’a pas, dans le succès futur du coaching, tout à fait le même rôle à jouer que le N+1.
Acte 2 : rencontre avec le Prescripteur et le Coaché – autrement dit – m’assurer que ce cadre est clairement compris et respectable (ce qui ne veut pas forcément dire « approuvé par le coaché» concernant les objectifs…) par chacun de nous 3.
Acte 3 : rencontre avec le Coaché – autrement dit – début de la relation duelle dans le coaching qui a, en fait, déjà commencé avec les 2 actes précédents.
J’explique en fin d’acte 3 quelles sont les suites de cet entretien tripartite de début de coaching.
Acte 1 : Rencontre préalable avec le Prescripteur du coaching
Voici comment je procède dans la situation la plus habituelle, celle où le coaching a été recommandé (ou « prescrit » comme on voudra) au futur coaché par son responsable hiérarchique (que j’appellerai « N+1 » dorénavant).
D’autres situations existent, par exemple, si le coaching est demandé directement par le Coaché en étant payé par l’entreprise, ou recommandé par le DRH au N+1 qui accepte, ou recommandé par un N+1 qui est parti entre-temps… etc… la réalité est très variée, j’ai donc choisi cette option qui est la plus simple, et, pour moi, la plus courante.
Cette diversité de situations de départ fait cependant apparaître la richesse des questions qui se posent et des options qui s’offrent à nous au lancement d’un coaching.
Ce lancement est inévitablement un moment déterminant de la démarche de coaching, et c’est une réflexion stratégique que de faire le choix de qui est invité ou pas autour de la table.
Au-delà de « qui est là ?», se pose particulièrement la question de « où cela se produit-il ? ». Je fais toujours le choix d’un entretien sur le lieu de travail du Coaché, sur le lieu où se produit habituellement la relation entre le N+1 prescripteur et le Coaché. On comprendra aisément dans les lignes qui suivent que ce choix est fondé sur mon projet d’observer la relation entre ces 2 personnes (voir Acte 2) en lien avec les buts poursuivis dans le coaching.
Je rencontre le N+1 en entretien individuel pour une durée de 45’ à 1H. Le but de cet entretien est de « travailler » les attentes du N+1 à l’égard du coaching. On pourra ici obtenir plusieurs résultats utiles au déroulement du futur coaching :
– aider le N+1 à spécifier la nature des changements qu’il souhaite voir se produire chez le Coaché (dans ses pratiques professionnelles, relationnelles, de management etc…) grâce au coaching – on pourra passer, par exemple, d’une formulation initiale et spontanée « mieux déléguer à son équipe » à « sur telle partie de sa fonction, parvenir à ne plus prendre en charge lui-même le suivi des reportings + avoir développé certains collaborateurs pour qu’ils deviennent capables de prendre des délégations + faire participer certains de ses collaborateurs à la réunion du Comité de Direction sur des sujets dont ils sont porteurs etc… ». Au-delà des objectifs poursuivis, on peut aller jusqu’à définir des critères d’évaluation. Suivant les situations et en intelligence. Valeur ajoutée d’une telle définition d’objectifs : permettre qu’un dialogue s’instaure sur la base d’une position construite avec le minimum de flou et d’approximation de la part de l’entreprise, et ne pas laisser place à des fantasmes inutiles chez le coaché.
– vérifier que le N+1 va se situer en ressource pour contribuer à l’atteinte des objectifs du coaching – et non pas qu’il sera soit contre-productif, soit, au pire, en embuscade dans l’attente de la moindre défaillance
– vérifier que le N+1 est bien en train de donner des objectifs qui sont de la responsabilité du Coaché, et non de la sienne propre – c’est-à-dire qu’il n’est pas en train d’instrumenter le coaching et le Coach pour faire changer le Coaché (sur le mode « changez le pour moi … » ) dans un sens qui l’arrange à lui seul et lui permet de maintenir son propre dysfonctionnement. Voir l’exemple du patron qui demande à son N-1 d’améliorer sa délégation grâce au coaching et qui exerce lui-même un contrôle jaloux sur ses N-1, garde beaucoup d’information, et fonctionne de façon ultra directive.
– clarifier avec le N+1 le niveau éventuel de « contrainte » qu’il cherche à exercer sur le Coaché quant aux objectifs de changement qu’il propose, en particulier en demandant ce qui se passe dans le cas où les objectifs du coaching ne seraient pas, ou pas suffisamment, atteints. Nous cherchons ici à créer un cadre de travail qui se situe entre les 2 extrêmes d’un spectre qui va de « ce coaching est juste une opportunité que nous offrons à ce collaborateur et il n’a pas de but particulier, donc si rien ne change, cela n’aura aucune conséquence » à « ce coaching est celui de la dernière chance, si tel et tel résultat ne sont pas atteints, le Coaché sera licencié, ou sanctionné ou rétrogradé ». Ce cadre de prescription, dont la symbolique contraignante est incontournable, doit être décontaminé des illusions, imaginations, non-dits, implicites qui peuvent y prospérer. Sinon, le risque est de laisser dériver le coaching, ainsi que le Coach, dans 2 directions possibles, aussi indésirables l’une que l’autre :
o 1/ bras armé, réel ou fantasmé, de l’organisation et de sa volonté d’emprise,
o 2/ instrument au service du seul Coaché et de son éventuelle toute puissance imaginaire.
– s’assurer de sa bonne compréhension de ce qu’est et n’est pas un coaching, et des particularités déontologiques de cette prestation
– envisager et préparer avec lui la façon dont il va communiquer, dans l’entretien suivant en Acte 2, ces objectifs au Coaché
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